Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/414

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lards du Rhône qui couvrent, le matin, les rues. Cette ville semble superbe aux voyageurs qui aiment les longues avenues, les préaux gazonnés, les grands boulevards, toute l’architecture pénitentiaire des cités modernes ; mais Lyon est aussi le refuge du mysticisme, le havre des idées préternaturelles et des droits douteux. C’est là qu’est mort Vintras, en lequel s’était, paraît-il, incarnée l’âme du prophète Élie ; c’est là que les Naundorff ont gardé leurs derniers partisans ; là que les envoûtements sévissent, car à la Guillotière, on fait maléficier, pour un louis, les gens ! Ajoute que c’est également, malgré sa foison de radicaux et d’anarchistes, un opulent magasin, d’un catholicisme protestant et dur, une manufacture janséniste, une bourgeoisie bigote et grasse.

Lyon est célèbre par ses charcuteries, ses marrons et ses soies ; et aussi par ses églises ! Tous les sommets de ses voies en escalade sont sillonnés par des chapelles et des couvents de Notre-Dame de Fourvière les domine tous. De loin, ce monument ressemble à une commode du xviiie siècle, renversée, les pieds en l’air, mais l’intérieur qu’on parachève encore, déconcerte. — Tu devrais aller le visiter, un jour. — Tu y verrais le plus extraordinaire mélange d’Assyrien, de Roman, de Gothique, tout un je ne sais quoi, inventé, plaqué, rajeuni, soudé, par Bossan, le seul architecte qui