Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/76

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pour accélérer ses godailles et lever ses troupes, il ne pensait point alors que le Maréchal fût trop prodigue ! — Maintenant qu’il le voyait à moitié ruiné, il lui reprochait ses largesses, le tenait à l’écart, ne lui ménageait plus les blâmes et les menaces.

On comprend que Gilles ait quitté cette cour sans aucun regret ; mais il y a autre chose encore. La lassitude d’une vie nomade, le dégoût des camps lui étaient sans doute venus ; il eut certainement hâte de se recenser dans une atmosphère pacifique, près de ses livres. Il semble surtout que la passion de l’alchimie l’ait entièrement dominé et qu’il ait tout abandonné pour elle. Car il est à remarquer que cette science qui le jeta dans la démonomanie, alors qu’il espéra créer de l’or et se sauver ainsi d’une misère qu’il voyait poindre, il l’aima, pour elle-même, dans un temps où il était riche. Ce fut, en effet, vers l’année 1426, au moment où l’argent déferlait dans ses coffres, qu’il tenta, pour la première fois, la réussite du grand œuvre.

Nous le retrouvons donc, penché sur des cornues, dans le château de Tiffauges. J’en suis là, et c’est maintenant que va commencer la série des crimes de magie et de sadisme meurtrier que je veux faire.

— Mais tout cela n’explique pas, dit des Hermies, comment d’homme pieux, il devint soudain