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Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/77

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satanique, d’homme érudit et placide, violeur de petits enfants, égorgeur de garçons et de filles.

— Je te l’ai déjà dit, les documents manquent pour relier les deux parties de cette vie si bizarrement tranchée ; mais par tout ce que je viens de te narrer, tu peux déjà dévider, je crois, bien des fils. Précisons, si tu veux. Cet homme était, je l’ai tout à l’heure noté, un vrai mystique. Il a vu les plus extraordinaires événements que l’histoire ait jamais montrés. La fréquentation de Jeanne d’Arc a certainement suraiguisé ses élans vers Dieu. Or, du mysticisme exalté au satanisme exaspéré, il n’y a qu’un pas. Dans l’au-delà, tout se touche. Il a transporté la furie des prières dans le territoire des à Rebours. En cela, il fut poussé, déterminé par cette troupe de prêtres sacrilèges, de manieurs de métaux et d’évocateurs de démons qui l’entourèrent à Tiffauges.

— De sorte que ce serait la Pucelle qui aurait décidé les forfaits de Gilles ?

— Oui, jusqu’à un certain point, si l’on considère qu’elle attisa une âme sans mesure, prête à tout, aussi bien à des orgies de sainteté qu’à des outrances de crimes.

Puis, il n’y eut pas de transition ; aussitôt que Jeanne fut morte, il tomba entre les mains des sorciers qui étaient les plus exquis des scélérats et les plus sagaces des lettrés. Ces gens qui le fréquentèrent