Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/140

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son tour ; elle reste orpheline à l’âge de quinze ans.

Son tuteur la déplace encore et la transfère chez les Carmélites de Malines ; mais la lutte entre les Espagnols et les Flamands se rapproche des territoires que traverse la Dyle, et l’on enlève, une fois de plus, Marie-Marguerite de son monastère pour l’envoyer chez les chanoinesses de Nivelles.

Toute son enfance est, en somme, un chassé-croisé de cloîtres.

Elle se plaisait dans ces maisons, au Carmel surtout où elle endossait la haire et s’astreignait à la plus rigoureuse des disciplines ; et la voilà qui, au sortir de la stricte clôture, échoue en un plein milieu mondain. Ce chapitre de chanoinesses, qui devait la former à la vie mystique, était une de ces institutions quarteronnes, ni tout à fait blanches, ni tout à fait noires, une métisse issue d’une religion profane et d’un laïquat pieux. Ce chapitre, exclusivement recruté parmi des femmes riches et nobles et dont l’abbesse, nommée par le Souverain, prenait le titre de Princesse de Nivelles, menait une existence frivole et dévote, étrange. Outre que ces demi-nonnes pouvaient se promener quand bon leur semblait, elles avaient le droit de vivre pendant un certain temps dans leur famille et même de se marier, après avoir obtenu le consentement de l’abbesse.

Le matin, celles qui voulaient bien résider dans l’abbbaye se couvraient d’un costume monastique pendant les offices, puis, ces exercices terminés, elles quittaient la livrée conventuelle, revêtaient les robes de gala, les ballons et les coques, les vertugadins et les fraises à la