Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/18

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dans des verdures, les monts apprivoisés aisément s’abordent ; partout, des allées d’ombre, de grands arbres, des eaux vives, des pentes douces, des chemins larges et sans danger, accessibles à tous ; au lieu d’un désert, une ville où toutes les ressources nécessaires aux malades sont ménagées. On atteint Lourdes sans s’aventurer dans des garennes d’insectes, sans subir des nuits d’auberge dans les campagnes, sans supporter des journées de cahots dans des pataches, sans grimper le long des précipices ; l’on est arrivé à destination, dès que l’on est descendu du train.

Cette ville est donc admirablement choisie pour amener les foules et il ne semblait pas dès lors nécessaire que la Providence intervînt si puissamment pour les y attirer.

Et Dieu qui imposa La Salette, sans recourir aux voies de la publicité mondaine, change de tactique ; et avec Lourdes, la réclame entre en scène.

C’est bien cela qui confond ; Jésus se résignant à employer les misérables artifices du commerce humain, acceptant les rebutants stratagèmes dont nous usons, pour lancer un produit ou une affaire !

Et l’on se demande si ce n’est point la leçon d’humilité la plus dure qui ait été donnée à l’homme et aussi le plus véhément reproche qui ait été jeté à l’immondice américaine de nos temps… Dieu réduit à s’abaisser, une fois de plus, jusqu’à nous, à parler notre langue, à se servir de nos propres inventions, pour se faire écouter, pour se faire obéir, Dieu n’essayant même plus de nous faire comprendre par Lui-même ses desseins, de nous exhausser jusqu’à Lui !