Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par la prière que pour peindre, ce moine qui n’avait jamais regardé au dehors, qui n’avait jamais vu qu’en lui.

Ce que l’on sait de sa vie justifie d’ailleurs cette peinture. Il était un humble et tendre religieux qui faisait oraison avant de toucher à ses pinceaux et ne pouvait dessiner une crucifixion, sans fondre en larmes.

Au travers du voile de ses pleurs, sa vision s’angélisait, s’effusait dans les clartés de l’extase et il créait des êtres qui n’avaient plus que l’apparence humaine, l’écorce terrestre de nos formes, des êtres dont les âmes volaient déjà loin de leurs cages charnelles. Scrutez son tableau et voyez comme l’incompréhensible miracle de cet état d’âme qui surgit, s’opère.

Les types des Apôtres, des Saints sont, nous l’avons dit, quelconques. Eh bien, fixez le visage de ces hommes et discernez combien, au fond, ils aperçoivent peu la scène à laquelle ils assistent ; quelle que soit l’attitude que leur attribue le peintre, tous sont recueillis en eux-mêmes et contemplent la scène, non avec les yeux de leurs corps mais avec les yeux de leurs âmes. Tous examinent en eux-mêmes ; Jésus les habite, et ils le considèrent mieux dans leur for intérieur que sur ce trône.

Et il en est de même des Saintes. J’ai avancé qu’elles avaient l’air insignifiant et c’est vrai ; mais ce que leurs traits, à elles aussi, se transforment et s’effacent sous l’épreinte divine ! elles vivent noyées d’adoration, s’élancent, immobiles, vers le céleste Époux. Une seule, demeure mal dégagée de sa gaine matérielle, sainte Catherine d’Alexandrie qui, avec ses yeux pâmés, ses prunelles d’eau saumâtre, n’est ni simple ni candide, ainsi que