Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/22

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Pourquoi surtout avoir créé La Salette et l’avoir, en quelque sorte, sacrifiée après ?

— Qu’Elle y soit venue, cela se comprend, se répondait Durtal ; la Vierge est plus honorée encore dans le Dauphiné que dans les autres provinces ; les chapelles dédiées à sa Personne foisonnent dans ces régions qu’Elle a peut-être voulu récompenser de leur zèle par sa présence.

D’autre part, Elle y est spécialement apparue dans un but précis, nettement déterminé, celui de prêcher aux hommes et surtout aux prêtres, la pénitence. Elle a entériné par des miracles la véracité de la mission confiée à Mélanie ; puis, une fois cette mission remplie, Elle a pu se désintéresser de ces lieux où Elle n’avait sans doute jamais eu l’intention de demeurer.

Au fond, reprit-il, après un silence de pensée, ne peut-on admettre un fait encore plus simple, celui-ci :

Marie a daigné se manifester sous des aspects différents, afin de satisfaire aux goûts, aux exigences d’âme de chacun de nous. A La Salette où Elle s’est révélée dans un paysage navré, tout en larmes, Elle s’est attestée sans doute pour quelques uns, plus particulièrement sans doute pour ces âmes éprises de la douleur, pour les âmes mystiques aimant à revivre les souffrances de la Passion, à suivre, dans son déchirant chemin de croix, la Mère. Là, Elle est moins attirante pour le vulgaire qui n’aime ni la tristesse, ni les pleurs ; ajoutons qu’il aime moins encore les reproches et les menaces. A cause même de son attitude et de son langage, la Vierge de La Salette ne pouvait devenir populaire tandis que celle de Lourdes, qui vint, en souriant, et