Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/221

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de mes mécomptes et de mes noises. Mon existence, quand j’y songe, je la jaugerais volontiers de la sorte : le passé me semble horrible ; le présent m’apparaît, faible et désolé, et quant à l’avenir, c’est l’épouvante.

Il se tut, puis :

Les premiers jours, ici, je me suis plu dans le rêve suggéré par cette Cathédrale. Je croyais qu’elle serait un réactif dans ma vie, qu’elle peuplerait ce désert que je sentais en moi, qu’elle serait en un mot, dans l’atmosphère provinciale, une aide. Et, je me suis leurré. Certes, elle m’opprime toujours, elle m’enveloppe encore dans l’ombre tiède de sa crypte, mais je raisonne maintenant, je la scrute dans ses détails, j’essaie de causer d’art avec elle ; et je perds à ces recherches l’impression irraisonnée de son milieu, le charme silencieux de son ensemble.

Maintenant c’est moins son âme qui me hante que son corps. J’ai voulu étudier l’archéologie, cette misérable anatomie des édifices ; je suis devenu, humainement amoureux de ses contours et le côté divin a fui pour ne plus laisser place qu’au côté terrestre. Hélas ! j’ai voulu voir et je me suis malédifié ; c’est l’éternel symbole de la Psyché qui recommence !

Et puis… et puis… n’y a-t-il pas aussi, dans cette lassitude qui m’accable, de la faute à l’abbé Gévresin ? Il a épuisé pour moi, en m’en imposant l’accoutumance, les vertus pacifiques et pourtant révulsives du Sacrement ; et le résultat le plus clair de ce régime, c’est que je suis tombé l’âme à plat, sans force pour résister.

Eh non, reprit-il après un silence ; me voici encore à rabâcher mes permanentes présomptions, mes infatigables