Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/30

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regardait, autour de lui, les gens qui attendaient, dans les tièdes ténèbres de la futaie sourde, le réveil de la Vierge pour l’aduler.

Avec l’aube qui commençait à poindre, elle devenait vraiment incohérente la forêt de cette église sous les arbres de laquelle il était assis. Les formes parvenues à s’ébaucher se faussaient dans cette obscurité qui fondait toutes les lignes, en s’éteignant. en bas, dans une nuée qui se dissipait, jaillissaient, plantés comme en des puits les étreignant dans les cols serrés de leurs margelles, les troncs séculaires de fabuleux arbres blancs ; puis la nuit, presque diaphane au ras du sol, s’épaississait, en montant, et les coupait à la naissance de leurs branches que l’on ne voyait point.

En levant la tête au ciel, Durtal plongeait dans une ombre profonde que n’éclairait aucune étoile, aucune lune.

En regardant, en l’air, encore, mais alors juste devant lui, il apercevait, au travers des fumées d’un crépuscule, des lames d’épées déjà claires, des lames, énormes, sans poignées et sans gardes, s’amenuisant à mesure qu’elles allaient vers la pointe ; et, ces lames debout à des hauteurs démesurées, semblaient, dans la brume qu’elles tranchaient, gravées de nébuleuses entailles ou d’hésitants reliefs.

Et s’il scrutait, à sa gauche et à sa droite, l’espace, il contemplait, à des altitudes immenses, de chaque côté, une gigantesque panoplie accrochée sur des pans de nuit et composée d’un bouclier, colossal, criblé de creux, surmontant cinq larges épées sans coquilles et sans pommeaux, damasquinées sur leurs plats, de vagues dessins, de confuses nielles.