Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/31

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Peu à peu, le soleil tâtonnant d’un incertain hiver perça la brume qui s’évapora, en bleuissant ; et la panoplie pendue à la gauche de Durtal, au Nord, s’anima, la première ; des braises roses, et des flammes de punchs s’allumèrent dans les fossettes du bouclier, tandis qu’au-dessous, dans la lame du milieu, surgit, en l’ogive d’acier, la figure géante d’une négresse, vêtue d’une robe verte et d’un manteau brun. La tête, enveloppée d’un foulard bleu, était entourée d’une auréole d’or et, elle regardait, hiératique, farouche, devant elle, avec des yeux écarquillés, tout blancs.

Et cette énigmatique moricaude tenait sur ses genoux une négrillonne dont les prunelles saillaient, ainsi que deux boules de neige, sur une face noire.

Autour d’elle, lentement, les autres épées encore troubles s’éclaircirent et du sang ruissela de leurs pointes rougies comme par de frais carnages ; et ces coulées de pourpre cernèrent les contours d’êtres sans doute issus des bords lointains d’un Gange : d’un côté, un roi jouant d’une harpe d’or ; de l’autre, un monarque érigeant un sceptre que terminaient les pétales en turquoises d’un improbable lys.

Puis, à gauche du royal musicien, se dressa un autre homme barbu, le visage peint au brou de noix, les orbites des yeux vides, couvertes par les verres de lunettes rondes, le chef ceint d’un diadème et d’une tiare, les mains chargées d’un calice et d’une patène, d’un encensoir et d’un pain ; et, à la droite de l’autre prince, arborant un sceptre, une figure, plus déconcertante encore, se détacha sur le corps bleuâtre d’un glaive, une espèce de malandrin, probablement évadé des ergastules d’une