Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/368

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et ce regard inconsolable, cette attitude navrée, suggèrent de lointaines pensées sur la lassitude inassouvie des sens, sur l’immense détresse des abominables souhaits que rien n’apaise.

Puis, non loin d’elle, une Vierge qui lui ressemble, qui est elle-même, avec son nez mobile un peu retroussé, sa bouche en forme de feuille repliée de trèfle, ses yeux saumâtres, ses paupières roses, ses cheveux d’or, son teint de chlorose, son corps robuste et ses mains fortes. La physionomie est pareille, dolente et fatiguée, et il est évident que le même modèle a posé les deux femmes. L’une et l’autre sont païennes ; la Vénus se conçoit, mais la Vierge !

L’on peut constater aussi que, dans cette toile, une rangée d’anges céroféraires rend le sujet moins chrétien encore, s’il est possible, car ces êtres charmants, avec leurs sourires incertains et leurs grâces trop souples, ont les attraits dangereux des mauvais anges. Ils sont des Ganymèdes, issus de la mythologie, non de la Bible.

Ce que nous sommes avec le paganisme de Botticelli loin de Dieu ! se dit Durtal ; quelle différence entre ce peintre et ce Roger Van der Weyden dont la Nativité resplendit dans une des salles voisines de cette superbe collection qu’est le vieux musée de Berlin.

Cette Nativité !

Peinte en triptyque, elle tenait — sur son volet de droite, à côté de quelques gens émerveillés et debout, un vieillard prosterné, encensant la Vierge, vue par la fenêtre ouverte, au-dessus d’un paysage fuyant en des allées qui ondulent, à l’infini ; et une femme, le chef coiffé d’une cornette, presque d’un turban, la face extasiée,