Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/409

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tous les mouvements sont comptés, qui, s’il ne doit pas porter les mains sur la couture du pantalon, doit les tenir cachées sous son scapulaire…

— Ta, ta, ta, interrompit la gouvernante, je vous le répète une fois de plus, vous lésinez avec Dieu, vous marchandez…

— Mais il est pourtant nécessaire qu’avant de prendre une semblable décision, je me plaide et le pour et le contre ; en pareil cas, un peu de procédure intérieure est bien permis.

Elle haussait les épaules ; et il y avait un tel calme sur ce visage et un tel feu couvait sous l’eau noire de ses yeux, que Durtal demeurait devant elle saisi, admirant la franchise, la pureté de cette âme qui s’avançait jusqu’au bord des paupières, qui sortait par ce regard.

— Etes-vous heureuse ! s’écria-t-il.

Un nuage couvrit les prunelles qui se baissèrent.

— N’enviez personne, notre ami, dit-elle, car chacun a ses débats et ses peines.

Et, après l’avoir quittée, Durtal pensa, en rentrant chez lui, aux disgrâces qu’elle avait avouées, aux entretiens avec le Ciel cessés, aux visions disparues, à la chute sur le sol de l’âme volant auparavant dans les nues. Ce qu’elle devait souffrir !

C’est égal, fit-il, dans le sevice du Seigneur tout n’est pas rose ! si l’on consulte des biographies de Saints, on voit ces élus torturés par les plus effroyables des maladies, par les plus douloureuses des épreintes ; décidément, c’est pas drôle la Sainteté sur la terre, c’est pas drôle, la vie ! Il est vrai que pour les Saints l’excessif des souffrances est, ici-bas déjà, compensé par l’extrême des joies ;