Page:Huysmans - Le Drageoir aux épices, 1921.djvu/74

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Toute la journée, elle les regardait alternativement, se disant : Le pauvre garçon, comme il doit souffrir avec son visage enflé ! Ce nez turgide et sanglant la désespérait. Puis elle regardait l’autre. A-t-il l’œil abîmé ! murmurait-elle. Et cet œil qui débordait d’un cercle de charbon lui faisait passer de petits frissons dans le dos. Faut-il qu’un homme soit brutal, pensait-elle, pour frapper ainsi un ami aux yeux. Elle se prenait à détester Aristide, puis elle voyait ce nez turgescent, et elle en venait à exécrer le gros Just. Elle y songea toute la nuit et ne put dormir. Que faire, pensait-elle, que faire ? Ce n’est pas de leur faute s’ils m’aiment. Je tâcherai de leur parler demain et je leur ferai promettre de ne plus se battre. Elle s’endormit sur cette heureuse idée et prépara, dans sa petite cervelle, de belles paroles pour les