Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/132

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rent, troués çà et là par une colonne de foule se précipitant du théâtre Montparnasse, s’élargissant en un large éventail qui se repliait autour d’une voiture que charroyait en hurlant un marchand d’oranges.

Les bibines soufflaient des odeurs d’alcool et de vin ; le choc des boules d’un billard s’entendait par une fenêtre ouverte ; des gens couraient les uns après les autres et se bourraient par amitié de coups de poing ; des moutards de treize ans fumaient des mégots et salivaient ; une femme obèse balançait son ventre sous un tablier gras ; des familles s’assemblaient en extase devant la boutique d’un pâtissier.

Des doigts fourrageaient des éclairs blessés et versant leur crème ; d’autres soupesaient de molles frangipanes mal retenues par une croûte défaillante et flasque ; des bouches buvottaient la mousse savonneuse des Saint-Honoré ; des mâchoires se fermaient sur les morceaux d’un flan éventré sur une plaque.

Et les chaussons et les galettes renaquirent à mesure qu’on les enleva. Des tartes fumantes suèrent à grosses gouttes, et leur grillage de pâte plia sous la poussée des sirops en marche ; des brioches bubonnèrent cabossées par des verrues ; des cornets emplis d’une boue blanche crevèrent ; des babas s’affaissèrent, perdant leur rhum. —