Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/147

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pour rien à boire, de telle à telle heure, tous les ouvriers, au guet de ces aubaines, filaient ; lui aussi d’ailleurs, mais il revenait avant les autres quand il avait dans le ventre une chopine ou deux. — C’était un mauvais ouvrier, mais c’était aussi un mauvais buveur.

Il était néanmoins évident que cette dernière circonstance ne semblerait pas atténuante au vieil homme, et puis il y avait encore une autre question ; rien ne prouvait qu’Auguste fût disposé à la demander en mariage. Plus Désirée pensait à cette situation et plus elle devenait irrésolue. À supposer qu’elle dise franchement à son amoureux : Auguste, voulez-vous vous marier avec moi ? Et que lui ne répondît pas, alors tout était fini entre eux, et, à moins qu’elle ne consentît à faire des bêtises, il ne lui restait plus qu’à l’inviter à passer désormais son chemin. — Elle eut les paupières mouillées, en songeant que, le soir, elle resterait, seule, chez elle ; avant qu’elle n’eût connu ce garçon, elle ne pensait pas à s’amuser ; aujourd’hui, elle avait soif des câlineries d’un homme, des promenades à deux, des rires s’allumant dans les yeux qui se croisent. Elle s’apercevait pour la première fois que la maison de son père était triste comme un bonnet de nuit.

Le seul parti qu’elle eût à prendre, en atten-