Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/21

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réchauffer, elles remontèrent de la rue du Dragon à Vaugirard.

Désirée, très engourdie, traînait les pieds et s’arrêtait devant tous les éventaires ; l’autre, habituée par le galvaudage de ses nuits, aux tiraillements de l’estomac, le matin, et au froid dans le dos qui vous fait bouger les épaules et hâter le pas, hélait sa sœur, la traitant de faignante et de clampine !

La rue de Sèvres s’étendait, interminable, avec ses communautés, ses abbayes, ses hospices, ses pensionnats de demoiselles, mais ce qui ralentissait la marche de la petite, ce n’était pas cette escouade de béquillards et de loqueteux qui geignent pitoyablement, le chapeau tendu, quand l’église s’emplit de monde, ce n’était pas cette tourbe d’affamés qui, les bras en bandoulière, les jambes emmaillotées de linges, s’amassent, avinés et transis, devant la petite entrée des Dames Saint-Thomas de Villeneuve, c’étaient ces nombreuses boutiques, ces innombrables bondieuseries dont la rue est pleine.

Près des Jésuites où piaffaient des équipages de maîtres et où, descendus des sièges, des larbins galonnés prenaient des attitudes attendries de canailles pieuses, il y avait des statues coloriées de Vierges, des Madones sérieuses et bonnes à mettre en niche, des Christs, grandeur nature,