Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/235

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Désirée fût libre, c’était onéreux ; puis la pauvre femme était si malheureuse quand elle ne le voyait pas assis à côté d’elle, devant la soupe, qu’il ne pouvait vraiment songer, souffrante comme elle était, à la priver de cette dernière joie. Sa mère était d’ailleurs ainsi que les femmes âgées qui ont perdu l’appétit et sont dégoûtées de toute cuisine ; elle avait des hauts-de-cœur devant les plats et, malgré l’avis du médecin, elle n’aurait touché à aucune viande si Auguste ne l’avait doucement contrainte à sucer le sang d’une côtelette, quitte à recracher, si elle ne pouvait l’avaler, le morceau qu’elle avait en bouche.

Auguste fut comme tous les gens qui, après avoir longtemps oscillé, s’affermissent soudain. Il voulut que le déménagement s’effectuât sans retard. Il mit sur la porte un écriteau pour louer au demi-terme, emprunta une petite charrette, et, avec l’aide de ses amis, il la combla de meubles, s’attela à la bricole et les autres poussant et s’arrêtant à tous les coins de rue pour boire, il brimballa peu à peu, le matin, son mobilier et ses hardes.

Il avait facilement obtenu d’ailleurs, l’autorisation de venir à l’atelier deux heures plus tard. Le contre-maître l’estimait. À défaut des connaissances qui lui manquaient, dans la pratique