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Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/249

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Il tenta de lui faire comprendre qu’il n’y avait pas de raison pour se mieux habiller le dimanche que les autres jours. Il se butta contre un entêtement de borne.

Une après-midi, il se décida pourtant à la traîner aux Champs-Élysées. Il la fit asseoir dans la poussière sur une chaise, le dos tourné à la chaussée, et ils regardèrent cette tiolée de nigauds qui s’ébattent dans des habits neufs, de la place de la Concorde au Cirque d’été. Il eut des écœurements à voir houler ce troupeau de bêtes. Elle, arrondit des yeux énormes, s’imaginant qu’on admirait sa vêture, son maintien, ses charmes.

Il jura bien de ne plus la conduire dans cette foire aux toilettes, et il la remorqua sur des bateaux-mouches jusqu’à Bercy, l’emmena près de la place Pinel, derrière un abattoir, lui vanta, sans qu’elle sût s’il se moquait d’elle, la funèbre hideur de ces boulevards, la crapule délabrée de ces rues.

Tout cela la réjouissait fort peu, — elle n’avait nul besoin d’un amant propre pour aller voir ces quartiers sordides ! Il leur était décidément bien difficile de s’entendre. Elle devenait sans indulgence pour ses lubies d’artiste, et il avait des désirs de la fuir, quand, avec ses manières de fille du peuple, elle ne pouvait supporter les gens à