Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/292

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visite à son amoureux, que d’être ferme, et elle renfonçait les larmes qui lui montaient aux yeux, lorsqu’elle songeait au visage éploré d’Auguste. Céline bouillait, elle eût voulu commencer de suite l’attaque ; elle était absolument décidée d’ailleurs, à interrompre les colloques pleurards, les jérémiades, à couper dans le vif, à trancher net.

Tandis qu’arrêtées, devant des cadres en bois noir, Désirée sentait son cœur battre le glas et surveillait avec terreur l’entrée du pont, Céline s’abîmait dans la contemplation de la vitrine. Elle trouvait admirables le caniche assis sur une chaise, avec un rideau derrière ; la femme tressant, dans une attitude langoureuse et avachie, des couronnes de fleurs sur une terrasse ; elle s’enthousiasmait devant des figures d’hommes frisés, avec des moustaches en crocs, des physionomies de gros mufles avec des mines satisfaites, des allures conquérantes, des distinctions de trois minutes, ratées devant un objectif ; elle béait devant des portraits dégradés, piqués comme de chiures de mouches dans le blanc sale qui fuyait des têtes, des portraits de femmes, des dondons décolletées lâchant des tétasses énormes, des visages à guetter aux portes, à faire psit ! psit ! au coin des allées, le soir ; des actrices de quinzième ordre, avec des maillots en coton et