Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/293

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des fleurs en taffetas dans les cheveux ; des bonnes avec des tabliers sur le ventre et des engelures aux doigts ; des nouveaux mariés : la femme assise, les mains sur les genoux, l’homme penché sur le fauteuil, l’air discret et malin ; des premiers communiants ahuris et repus, des pioupious étonnés et stupides. Mais ce qui la faisait panteler davantage, c’était une famille composée d’un père, d’une mère, d’un enfant, d’un chat, saisie à une fenêtre, entre un pot de réséda séché et un géranium qui perdait ses feuilles : la mère, commune, mafflue et soufflée, dans sa camisole dont le blanc était mal venu, l’homme débonnaire et mastoc, une trogne de charpentier bon enfant et soûl, le gamin étriqué et canaille, le chat effacé, fondu, enveloppé comme d’une brume.

Céline communiquait ses réflexions à sa sœur, mais Désirée s’intéressait peu, ce matin-là, à toutes ces personnes, figées dans des positions prétentieuses ou bêtes ; elle se sentait défaillir à mesure que l’heure s’avançait.

— Ah çà bien ! Mais il est en retard, dit Céline qui se planta vis-à-vis du pont. Il faut croire que la perspective de te revoir ne l’émoustille guère !

Et tandis que, lasses de se promener sur un trottoir, elles traversaient la chaussée pour aller sur un autre, Désirée songeait aux attentes