Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/37

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courbé, ratatiné sous la pluie, tirant après lui sa moitié. — Vatard contemplait alors un conduit de fonte qui s’était fendu. — L’eau clapotait, sortant en blanche écume par ses fissures, bouillonnant en bulles savonneuses, s’épanouissant en roses blanches, puis toutes ces fleurs de l’eau crevèrent et tombèrent en une nappe d’une saleté ignoble, tandis que d’autres éclosaient à nouveau et s’effeuillaient encore en des crachats troubles.

— S’ils passent sur ce trottoir, ça va être du propre, se dit Vatard ; — mais les malheureux n’y voyaient pas, ils marchaient droit à la cascade. Ils trébuchaient, fermant les yeux, aveuglés par la pluie, assourdis par le vent qui secouait le riflard auquel ils se cramponnaient. Ils s’étaient pris le bras, se rattrapant l’un à l’autre, à chaque secousse, baissant la tête, éclaboussant leurs bas, s’essuyant la nuque. Comme ils s’enfonçaient dans un lac de boue, ils gagnèrent la berge et passèrent près du tuyau. Le parapluie plia et sonna comme un tambour, le mari et la femme s’injurièrent, elle, perdant son châle, se troussant jusqu’au ventre, lui, se colletant avec le pépin qui claquait. Un coup de vent prit la rue en écharpe, secoua les boudins de la femme, s’engouffra dans le parapluie qui, cessant d’abriter son maître, lui fit recevoir sur le crâne toute