Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/38

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la douche des gouttières comblées. Teston dansait comme un hurluberlu sous l’averse, et son épouse, exaspérée, les brides de son bonnet lui fouettant les joues, sacrait et jurait, mâchant de la pluie et du vent, traitant son mari d’imbécile et de propre à rien. Vatard riait à se tordre quand le ménage frappa à sa porte. — Ah ! quel temps ! quel temps ! dit la femme. — Teston ne soufflait mot, ses cheveux coulaient, il avait de l’eau jusque dans les narines et il reniflait, lamentable et grotesque, avec sa mauve en loques et ses souliers qui, à chaque pesée des jambes, jutaient une cuillerée d’eau sale.

— Attendez, Madame Teston, dit Céline, je vas vous chercher un caraco et des bottines.

— Et vous, mon vieux, proféra Vatard, voulez-vous un paletot ? — Mais Teston déclara qu’il n’avait besoin de rien, sinon d’avaler quelque chose de chaud ; il se blottit dans un des coins de la cheminée et là, tirant un mouchoir à carreaux, il s’épongea la tête. Sa femme se défit ; elle enleva rageusement sa capuche naguère blanche et maintenant bise comme un torchon et bonne à tordre. Tournant le dos à la cheminée, elle reflétait dans la glace sa taille grêle, emmaillotée d’un tas de linges, et, maigre comme un cent de clous, elle était allongée comme ces interminables sucres d’orge que des voyous coiffés de fez tirent sur