Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/50

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bonheur de pouvoir se repaître de mangeailles, dont elle raffolait, telles que pieds de porcs, salade de céleris, miroton à la moutarde, lui fit trouver la vie plus douce, et elle ne garda de son premier malheur qu’un certain alanguissement qui disparut au souffle du premier baiser qu’elle reçut en bouche.

Elle s’était pourtant promis de rester sage. Sa brouille avec Eugène n’était pas survenue, d’ailleurs, sans une caresse prolongée de poings, et, pendant cinq jours, elle avait eu les épaules marbrées de plaques bleues, comme sur la peau d’une dinde les taches azurées des truffes, mais, telle quelle, avec les ardeurs que son premier homme avait amoncelées en elle, elle était sans défense ; Michon la prit, la laissa, ses successeurs lui firent danser une grande gigue de la croupe, en vis-à-vis tantôt avec l’un, tantôt avec l’autre ; l’habitude était prise, elle aurait dansé, toute seule, devant un balai.

Comment aurait-elle pu faire, après tout ? elle était comme la majeure partie des femmes. — Avait-elle un amant ? Quel ennui ! quelle tâche ! — N’en avait-elle pas ? Quelle tristesse ! quel abandon ! Ce n’était pas une existence que d’être avenante et jeune et de n’avoir personne qui s’intéressât aux prouesses de vos mines, aux fêtes de vos yeux ! — Elle se débattait entre la