Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/56

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créanciers, ce sourdaud, terreur des mastroquets qui s’écroulent sous le crédit, papillonnait avec ses lunettes en fil d’archal, roucoulait, se pavanait, mamourait, tout godichon, et en dépit de ses cheveux qui prenaient la fuite, trouvait encore des jeunesses qui s’essayaient à rallumer au feu rose de leurs lèvres les tisons brûlés de la sienne.

Il avait pour maîtresse une amie de Céline et de Désirée, une femme séparée de son mari, une bonne fille, honnête dans son genre, et qui n’était même pas méprisable tant elle était goulue ! Chaudrut adorait le lapin au vin, et il l’avait séduite avec ces ripailles de chairs fades. Maintenant qu’il la tenait en sa possession, il ne déployait le peu de vigueur qui lui restait que pour lui asséner de soigneuses raclées. Cette façon d’envisager l’amour avait donné de plus en plus à réfléchir à Désirée. — Est-ce qu’elle serait jamais heureuse avec des amants comme ceux-là ? Il n’y avait pas à dire, on pouvait mal tomber en se mariant, mais enfin son père et sa mère avaient vécu heureux, d’autres ménages qu’elle connaissait ne se cognaient point ou rarement et encore parce qu’ils étaient ensemble depuis vingt ans, et que l’on s’impatiente à vivre si longtemps ensemble ! Son parti était bien arrêté : elle attendrait jusqu’à ce qu’elle eût découvert un amou-