Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/102

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tin, au point du jour, ou le soir, à la tombée de la nuit. Aussi le cabaret était-il presque toujours vide, de neuf heures du matin à huit heures du soir, et, à part une tourbe de riboteurs qui venaient se repaître de galimafrées d’andouillettes et de tripes à la mode de Caen, la grande salle était déserte. Le soir, au contraire, elle était pleine à ne pouvoir bouger, mais le cabot s’esquivait, laissant la garde du comptoir à un grand échassier à calotte de velours, un ancien pion qui lui tenait ses livres et servait, au besoin, les clients et il allait rejoindre dans une autre salle, séparée de la grande par la cuisine, ses amis et confrères, un ramassis de chanteurs et d’échotiers de journaux. Ces pratiques-là buvaient, à ventre regoulé, et sans un sou en poche ; mais on n’a pas hurlé impunément sur les planches, la bouche en cul de poule et les yeux en billes, et quand Ginginet se trouvait avec eux, il leur faisait volontiers crédit, regrettant presque sa misère d’autrefois, déplorant même, quand il avait trop bu, la mort de son oncle qui l’avait fait héritier de ce débit de vins.

Ses compagnons regrettaient moins que lui son changement de fortune ; ils l’aidaient à manger