Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/134

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t-elle, vous ne feriez pas mal de me ficher votre camp !

Il fut étonné, balbutia quelques injures, et finalement emporta sa chemise en foulard de soie et disparut.

Quand il eut quitté la chambre, elle respira et, courant à l’armoire, avala d’un trait un grand verre de kirsch, puis elle saisit avec rage le goulot du flacon et but à même.

Cette ribote la rendit malade et plus triste que jamais. Une foule de jeunes gens vint la voir, se proposant de remplacer leur ami dans ses bonnes grâces, elle préféra les avoir tous plutôt que d’en endurer un seul, et elle recommença son ancienne vie, ne se sentant aucune affection, aucune tendresse pour tous ces gens qui faisaient la chaîne le long de sa couche, comme si elle eût été brûlée dans un incendie d’amour ! elle en arriva à prendre pour amants de cœur d’ignobles hommes aux casquettes bouffies et portant sur les tempes les stigmates des infâmes : les accroche-cœurs. Ceux-là la dégoûtèrent plus encore et elle s’ingénia à passer les nuits seule.

Alors, sous les courtines de soie pâle, dans l’insomnie qu’elle ne pouvait vaincre, elle songea