Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/152

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désirs dans une fleur de poudre, dans un rehaut de fard, à me gaudir enfin devant une gorge noyée dans une brume de dentelles que déchirait l’éclair des rubans pâles ! Et j’étais sincère alors ! J’aimais moins une femme pour elle-même que pour ses bouffettes et ses chiffons. Quelle absurdité ! Et comme aujourd’hui que la raison m’est venue, je m’étonne d’avoir été si bête ! Je n’ajouterai pas à ta stupeur en te faisant l’éloge de ma femme ; ne crains rien, je ne te dirai point qu’elle est belle, qu’elle a des yeux de saphir ou de jayet, et que ses lèvres sont cinabrines, non ; elle n’est même pas jolie, mais que m’importe ? ce sera terre à terre que de la regarder le soir, ravauder mes chaussettes, et que de me faire assourdir par les cris de mes galopins, d’accord ; mais comme malgré toutes nos théories, nous n’avons pu trouver mieux, je me contenterai de cette vie, si banale qu’elle te puisse sembler.

« Que te dirai-je de plus ? Je ne suis pas un fier Sicambre, mais je brûle tout ce que j’ai adoré ; et quant à Marthe, puisque tu me parles encore d’elle à la fin de ta lettre, je lui pardonne toutes ses vilenies, toutes ses traîtrises ; les filles comme elle ont cela de bon qu’elles font aimer celles qui