Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/29

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tait dans sa maison, à l’étage au-dessous, la frôlait dans l’escalier et lui demandait doucement pardon quand son bras effleurait le sien. Le choix n’était pas douteux. Le vieux l’emportait, dans cette balance du cœur, où l’un ne pouvait mettre que sa bonne grâce et sa jeunesse et où l’autre jetait l’épée de Brennus : le bien-être et l’or ! Il avait aussi un certain ton d’homme bien élevé qui flattait la jeune fille par ce motif que ses compagnes n’avaient pour amants que des rustres, des calicots ou des commis de quincaillerie. Elle céda… n’ayant seulement pas pour excuse ces passions qui font crier sous le feu et s’abandonner corps et âme… Elle céda et fut profondément dégoûtée. Le lendemain cependant, elle raconta à ses camarades, sa défaillance, qu’elle regrettait alors ! Elle se montra fière de sa vaillantise et, devant tout l’atelier, prit le bras du vieux polisson qui l’avait achetée ! Mais son courage ne fut pas de longue durée ; les nerfs se rebellèrent et, un soir, elle jeta à la porte argent et vieillard, et se résolut à reprendre sa vie d’autrefois. C’est l’histoire de ceux qui fument et qui, malades d’écœurement, jurent de ne plus recommencer et recommencent jusqu’à ce que l’estomac consente à se laisser dompter. Après une