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Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/42

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été trompés par les femmes qu’ils aimaient, après avoir humé des vins capiteux dans les verres de mousseline et s’être déchiré les lèvres aux éclats de ces verres, la plupart ne voulaient plus boire que des vins frelatés dans les chopes épaisses des cabarets !

L’un de ces hommes lui fit signe. Elle ne bougeait, implorant du regard ses compagnes, mais toutes riaient et se gaussaient d’elle ; seule, Madame la fixait de son œil mort. Elle eut peur, se leva, comme ces mules qui, après s’être butées, s’élancent tout à coup sous le cinglement d’un coup de fouet ; elle traversa le salon, trébuchante, assourdie par une grêle de cris et d’éclats de rire.

Elle montait l’escalier, s’appuyant au mur, sentant d’amères nausées lui battre la poitrine comme une houle ; une bonne ouvrit la porte et s’effaça pour les laisser passer.

Il entra et, elle, défaillante, laissa retomber derrière elle la lourde portière.

Elle se réveilla le lendemain, soûle d’ignominie, et n’eut qu’un but, qu’une idée, s’échapper de l’immonde maison, aller oublier au loin d’inoubliables maux.