Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/43

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L’atmosphère de cette chambre, alourdie par les émanations musquées des maquillages, ces fenêtres cadenassées, ces tentures épaisses, tiédies au souffle des charbons encore roses, ce lit démembré et saccagé par le pillage des nuits, la dégoûtèrent jusqu’au vomissement. Tout le monde dormait : elle s’habilla, descendit l’escalier en toute hâte, tira les verrous, et s’élança dans la rue. Ah ! alors, elle respira ! Elle marchait au hasard, ne pensant à rien. Elle était comme ivre. Soudain, le sentiment de ses maux la poigna, elle se rappela qu’elle fuyait les saturnales, qu’elle était en rupture de ban, et elle jeta un coup d’œil de bête épeurée autour d’elle.

Elle se trouvait alors dans le bas du boulevard Saint-Michel, lorsque deux sergents de ville descendirent tranquillement vers la Seine. Une indéfinissable angoisse lui serra la gorge, ses jambes fléchirent, il lui sembla que ces hommes allaient l’arrêter et la traîner au poste. Le soleil qui pleuvait en gouttes blondes sur l’asphalte bordé d’arbres, lui parut la mettre, seule, en lumière et montrer à tous qui elle était. Elle s’enfuit dans une de ces petites rues sombres qui relient le boulevard à la place Maubert. Elle se sentait plus à