Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/56

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Il songeait à cela. Il se souvint, tout à coup, que sa place n’était pas dans un fauteuil et il passa dans la chambre à coucher.

Marthe s’endormit, surprise. Elle qui avait été la servante résignée de chacun, elle n’avait pas encore vu pareil homme ; ce salpêtre étonnant, cette jeunesse ravivée et pleine de mots enthousiastes, de lyrismes fous, de respects perdus, la ravirent. Elle se dit que ceux qui aimaient étaient sans doute ainsi faits et elle lui fut reconnaissante de n’avoir pas évoqué dans sa couche le souvenir des anciennes défaites. Elle qui avait guidé tant de passants vers les Cythères, à tant la course, elle oublia de faire des comparaisons. Léo fut vraiment son premier amant.

Le lendemain, au petit jour, le jeune homme la regarda et demeura indécis : elle sommeillait, bouche en o, jambes en i, torse au vent et gorge au diable ! Il se demanda s’il ne la renverrait pas comme les autres ; il retira sa main qui s’était coulée sous la tête de Marthe, elle ouvrit les yeux et sourit si gentiment qu’il l’embrassa et lui demanda si elle avait bien dormi. Pour toute réponse, elle l’enlaça de ses bras et baisa ses lèvres, à petites lappées. Il perdit la tête.