Page:Huysmans - Prières et pensées chrétiennes (1910).djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’en franchir le seuil, afin d’échapper aux misères qui l’oppriment ; il importe de retenir ce fait d’un homme notoirement incrédule qui supplie Dieu d’avoir pitié de lui. La forme même de sa prière marque le désir qu’il a de ne plus se débattre dans les ténèbres où il gémit ; elle est une obsécration directe, un sanglot de douleur, l’appel désespéré d’un enfant perdu, qui jette aux échos le nom de sa mère.

Or ces choses se passaient en 1884 et Huysmans ne devait se réfugier dans une trappe qu’en 1892, Plus de sept ans s’écoulèrent, pendant lesquels le travail de la grâce ne se manifesta par rien de sensible. « Dieu creusait pour placer ses fils, a-t-il dit lui-même, et il n’opérait que dans l’ombre de l’âme. » Mystérieuse attente que celle-là ! Sept années pendant lesquelles il n’éprouve aucun remords, aucun regret du passé ; de temps en temps seulement une invite plus pressante à revenir à ce Dieu qu’il avait invoqué ; mais la voix qui lui parlait ainsi, dans le fond du cœur, semblait lointaine, tant elle murmurait faiblement les sollicitations d’En-Haut.

Rien ne le décidait à renverser sa vie. Plus que jamais désabusé par le terre-à-terre des conceptions naturalistes, il lançait contre l’école, dont il signalait « l’immondice des idées », une des plus virulentes apostrophes qu’on ait écrites. Mais assoiffé de mystère et de surnaturel,