Page:Huysmans - Prières et pensées chrétiennes (1910).djvu/28

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jamais peur du mot qui exprime sa pensée, ni du trait qui accuse le ridicule. Il ne cessera de guerroyer contre la platitude, la sottise et la médiocrité, quitte à entendre « braire la bedeaudaille » et jusqu’à son dernier souffle, il refusera le moindre sens de l’art à Bouasse-Lebel et le moindre talent à Henri Lasserre.

Mais, par contre, le charme et la poésie de la vie catholique, il les a exprimés dans une langue dont personne, avant lui, n’avait si âprement agencé la contexture et dont le vocabulaire prestigieux ajoutait on ne sait quel piment à cette prose désormais vouée aux besognes religieuses.

Car il n’écrit plus que pour célébrer les joies liturgiques et décrire les mouvements de l’âme chrétienne. Au lieu des romans de jadis, il compose des livres où il étudie, tour à tour, la symbolique du moyen âge, l’hagiographie, le plain-chant, la peinture des primitifs et l’archéologie des cathédrales.

Il vit près des cloitres, longtemps à la veille d’y prononcer ses vœux. Mais il a si peur de perdre là son indépendance d’artiste et de vieux garçon, qu’à chaque retour de Ligugé, où il allait éprouver sa vocation, il ne peut retenir ce cri : « Mon Dieu, quelle veine ! me voilà libre ! »

D’ailleurs, il finira par se construire une maison aux environs immédiats de l’abbaye bénédictine qui l’attire et il y vivra jusqu’au jour où les lois de défense républicaine videront les monastères.