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Page:Huysmans - Sainte Lydwine de Schiedam (1912).djvu/88

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fendit de la racine des cheveux jusqu’au milieu du nez ; le menton se décolla sous la lèvre inférieure et la bouche enfla ; l’œil droit s’éteignit et l’autre devint si sensible qu’il ne pouvait supporter, sans saigner, la moindre lueur ; elle éprouva aussi des rages de dents qui durèrent parfois des semaines et la rendirent quasi-folle ; enfin, après une esquinancie qui l’étouffa, elle perdit le sang, par la bouche, par les oreilles, par le nez, avec une telle profusion que son lit ruisselait.

Ceux qui assistaient à ce lamentable spectacle se demandaient comment il pouvait sortir, d’un corps si parfaitement épuisé, une telle quantité de sang et la pauvre Lydwine essayait de sourire.

— Dites, faisait-elle, vous qui en savez plus long que moi, d’où peut venir au printemps cette sève dont se gonfle la vigne, si noire et si nue pendant l’hiver ?

Il semblait qu’elle eût parcouru le cycle possible des maux. Il n’en était rien ; à lire les descriptions de ses biographes que j’adoucis, l’on se croirait dans une clinique où défilent, une à une, les maladies les plus terrifiantes, les cas de douleur les plus exaspérés, les crises les plus rares.

Bientôt, en sus de ses autres infirmités, sa poitrine jusqu’alors indemne s’attaqua ; elle se moucheta d’ecchymoses livides, puis de pustules cuivrées et de clous ; la gravelle, qui l’avait torturée dès son enfance et qui était disparue, revint et elle évacua des calculs de la grosseur d’un petit œuf ; ce furent ensuite les poumons et le foie qui se carièrent ; puis un chancre creusa un trou à pic qui s’étendit dans les chairs et les ron-