Page:Ibn Battuta - Voyages - Traduction Sanguinetti - Volume 1.djvu/122

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le cheikh répliqua : « Et toi, tu es le kâdhi ignorant ; tu passes sur ta mule entre des tombeaux, et cependant tu sais que le respect que l’on doit aux hommes après leur mort est égal à celui qu’on leur doit de leur vivant. » Le kâdhi reprit : « Ton usage de te raser la barbe est quelque chose de plus grave que cela. — Est-ce à moi que tu en veux ? » répliqua le cheikh ; puis il poussa un cri. Au bout d’un instant il releva la tête, et l’on vit qu’il était porteur d’une grande barbe noire. Le kâdhi fut étonné de cela, ainsi que son cortège, et descendit de sa mule devant le cheikh. Celui-ci poussa un second cri, et on lui vit une belle barbe blanche ; enfin, il cria une troisième fois et releva la tête, et l’on s’aperçut qu’il était sans barbe, comme auparavant. Le kâdhi lui baisa la main, se déclara son disciple, ne le quitta pas tant qu’il vécut, et lui fit construire une belle zâouïah. Lorsque le cheikh mourut, il fut enseveli dans cet édifice. Quand le kâdhi se vit sur le point de mourir, il ordonna qu’on l’ensevelît sous la porte de la zàouiah, afin que quiconque entrerait pour visiter le mausolée du cheikh,