Page:Ibn Battuta - Voyages - Traduction Sanguinetti - Volume 1.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’épreuve la plus concluante à laquelle on puisse soumettre la véracité d’un voyageur, c’est de rapprocher son témoignage de celui des individus qui ont visité les mêmes contrées, surtout si ceux-ci ont vécu à peu près à la même époque. Ce soin, nous l’avons toujours pris, autant qu’il nous a été possible, et nous ne craignons pas d’assurer que, dans la plupart des cas, nous avons trouvé les assertions d’Ibn Batoutah assez conformes à celles de ses contemporains et de ses successeurs, soit Européens soit Orientaux. Qu’il nous suffise de quelques exemples. A l’article du Caire (ci-dessous, p. 69), Ibn Batoutah rapporte qu’il y avait sur le Nil trente-six mille bateaux appartenant, soit au sultan, soit aux particuliers, et destinés à transporter toute espèce de denrées dans la haute Égypte, ou dans les villes qui avoisinent la mer, comme Alexandrie et Damiette. Sans doute, le chiffre de trente-six mille bateaux ne doit pas être pris à la rigueur, il faut en rabattre une portion ; mais nous voyons par le récit d’un voyageur italien, Frescobaldi, qui visita l’Égypte moins de soixante ans après notre auteur, combien la navigation du Nil était encore active en 1384, c’est-à-dire à une époque où la prospérité de l’Égypte était bien déchue de ce haut point qu’elle avait atteint sous le règne de l’illustre Mohammed Ibn Kalâoùn. « Il y avait au Caire, dit-il, une immense quantité de navires, au point que si l’on additionnait tous ceux que j’ai vus dans les ports de Gênes, de Venise et d’Ancône, en faisant abstraction des navires à deux ponts, ils n’arriveraient pas au tiers de ceux que j’ai vus ici, bien qu’ils fussent d’un chargement de quatre cents tonneaux et au-dessous[1]. »

  1. Viaggio di Lionardo di Niccolo Frescobaldi, Fiorentino, in Egitto e in Terra Sania ; Rome, 1818, in-8o, p. 92. Cette relation