Page:Ibn Battuta - Voyages - Traduction Sanguinetti - Volume 1.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de leurs habitants. Le voyageur florentin paraît toutefois être très-peu versé dans l’histoire ancienne et dans la connaissance de l’arabe ; c’est du moins ce qu’annoncent quelques étymologies ridicules et de graves erreurs historiques. Il se trompe aussi sur des faits, bien connus maintenant de tous ceux qui ont une légère teinture des mœurs et de la religion musulmanes. C’est ainsi qu’il assure (page 83) que les Sarrasins solennisent le lundi et disent que c’est leur jour sanctifié. Il fait preuve d’une grande crédulité lorsque, après avoir dit (p. 100) que les musulmans peuvent divorcer, puis reprendre leurs femmes jusqu’à trois fois, mais pas davantage ; il ajoute : « à moins qu’ils na les mettent auparavant en rapport avec un homme aveugle. Il y a des gens qui se font aveugler volontairement pour remplir une telle fonction ». Il se trompe quelquefois dans l’indication des distances, comme quand il place Césarée de Philippe (Panéas ou Baniâs) à cinq milles seulement du mont Thabor (p. 163), et Zaffet (Safad), à six milles de Césarée de Philippe (p. 164). Malgré ces défauts, la relation de Frescobaldî ne nous a pas semblé indigne de l’attention des orientalistes et des géographes, et cela nous a décidés à en donner ici une courte analyse.

Frescobaldi partit de Florence le 10 août 1384, et arriva à Venise après avoir traversé Bologne, Ferrare, etc. Il était accompagné de deux amis ; chacun avait son domestique et ils avaient, de plus, un économe pour eux tous. Ils s’embarquèrent pour Alexandrie, le 4 septembre, à bord d’un navire vénitien tout neuf, de la capacité de sept cents tonneaux, et payèrent dix-sept ducats par tête. Ils avaient pour compagnons des marchands, des pèlerins, des soldats, etc. Le navire était principalement chargé de draps de Lombardie, et aussi d’argent en lingots, de cuivre fin, d’huile et de safran. Au bout de huit jours, on arriva à l’île de Zante, où l’on resta six jours et où l’on prit des vivres. Pendant ce temps, les vents contraires se calmèrent, et le navire, ayant repris sa marche, atteignit Modon le 19 septembre. C’était alors un beau château, très-bien fortifié et occupé par les Vénitiens. On s’y fournit de viande fraîche et d’eau, et l’on se rendit ensuite à Coron, autre possession vénitienne, ou l’on embarqua des marchandises ; puis, dit le voyageur, nous prîmes la haute mer vers Alexandrie, et, laissant à gauche l’île de Crète (Candie) et à droite une petite île, nous arrivâmes au port d’Alexandrie, dans la nuit du 26 au