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parlons se trouve au commencement du désert, à cinq milles de distance du Caire… C’est celui où Notre-Dame se reposa avant d’entrer dans le Caire (!)… Il est maintenant entouré de murs, et on l’appelle le Jardin du sultan à la Materia. Il est toujours fermé à clef : il y a un intendant du sultan et un certain nombre de jardiniers et de soldats, pour empêcher qu’on ne vole le baume que l’en en tire. Cependant ce préposé est lui-même plus voleur que les autres, et nous en fîmes l’épreuve, au moyen de notre drogman, qui devait nous conduire jusqu’à la terre sainte. Cet intendant nous fit voir le jardin, nous montra le procédé qu’on met en usage pour obtenir le baume (l’auteur en donne la description) ; et nous en eûmes plusieurs flacons, recueillis durant le jour entier que nous passâmes en cet endroit, et d’autres flacons encore. Dans toute cette contrée, jusqu’au Caire, il n’y a d’eau qu’ici ; c’est avec elle, et au moyen de machines qui sont tournées par des bœufs, que l’on arrose tout le pays[1].

Nous nous mîmes en route par le désert, en appuyant vers la mer Rouge, pour suivre le chemin qui conduit à Sainte-Catherine. Nous marchâmes jusqu’au 25 octobre sans trouver d’eau ni arbre vivant ; et dans tout cet espace de temps (quatre jours) les chameaux ne burent point ; mais les cinq ânes qui nous servaient de montures furent abreuvés au moyen de l’eau que nous portions dans des outres. Nous avions acheté ces animaux au Caire, et ils marchaient comme de bons bidets. Au soir, nous arrivâmes à la fontaine de Moïse…, où nous abreuvâmes nos chameaux, les ânes, etc. Nous vîmes arriver une grande caravane de Sarrasins et de chameaux, amenant des épices de l’Inde. » Le lendemain les voyageurs reprennent leur marche vers le mont Sinaï, et cheminent jusqu’au 29 octobre sur des montagnes et des collines de sable, parmi lesquelles il se trouve peu de plaines, ils rencontrent quelques autruches, car il y en a beaucoup dans ce pays. Dans une vallée où ils passent la nuit, ils trouvent une fontaine et y font boire les chameaux, qui en avaient grand besoin, à cause de l’extrême chaleur. Je pense, remarque Frescobaldi, que chacun d’eux en but la quantité d’un fort baril. À ce propos, il décrit les habitudes des chameaux, leur connaissance des localités, l’in-

  1. Pages 101 à 110. Ce passage sur le jardin de Mathariyah mérite d’être rapproché de ceux que Silvestre de Sacy a rassemblés dans son beau commentaire sur Abd Allalif. (Relation de l’Égypte, p. 88 et suiv. et 525 à 527.)