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fluence qu’exerce sur eux le chant de leurs conducteurs[1], et la manière de les faire agenouiller et de se relever, en leur frappant sur le cou. Le 28 octobre on marche pendant tout le jour sur une plaine et un terrain pierreux de différentes couleurs ; beaucoup de cailloux ressemblaient à des pierres de touche, et je pense qu’ils en étaient, ajoute Frescobaldi. Nous vîmes aussi des cornalines et nos domestiques en ramassèrent quelques-unes. » Le 28 octobre on arrive au pied des saintes montagnes, et l’on commence à trouver de l’eau, beaucoup d’Arabes, des troupeaux de chèvres et de brebis. Le 29, on parvient à l’église de Sainte-Catherine, où l’on s’arrête. On y trouve des calores (caloyers, moines) grecs, au nombre de deux cents, qui ont pour supérieur un archevêque. Dans l’enceinte de ladite église (dans le grand espace entouré de murs), il y a aussi une mosquée. L’archevêque est obligé de fournir le local aux musulmans et de nourrir, à ses dépens, les Sarrasins qui y officient. Les Sarrasins appellent ce pays les saintes montagnes ; ils y sont au nombre de mille environ et reçoivent chacun un pain par jour dudit archevêque. Ce lieu est secouru par les chrétiens de tous les pays et par des Sarrasins et des pèlerins riches. On y fait beaucoup d’aumônes, et il a des possessions nombreuses dans l’île de Candie[2].

En montant vers le haut du Sinaï, on voit une fontaine que Moïse fit couler abondamment. On se sert de cette eau pour arroser des vergers, et elle est indispensable, car il ne pleut presque jamais ici : il y avait alors dix ans qu’il n’était tombé de l’eau du ciel. Les voyageurs partirent le 2 novembre au matin, se dirigeant vers la Terre promise. Le dixième jour, ils furent rejoints par une troupe d’Arabes à pied et à cheval, dont un tenait à la main une masse d’armes en fer, et qui demandèrent à voir le sauf-conduit. Ils extorquèrent quelque argent et volèrent des objets, mais ils ne prirent rien à Frescobaldi, ce dernier ayant fait bonne contenance et mis l’épée à la main. « Les autres, observe-t-il à ce sujet, auraient pu faire de même, car tous, un seul excepté, étaient plus jeunes que moi. Le soir nous descendîmes dans un khàn, tout près de la ville de Gazeia (Gazza), qui est entre l’Égypte et la terre sainte. Il y a un roi dans cette contrée, et sous lui quatre

  1. Conf. sur cette particularité deux anecdotes traduites par M. Grangeret de Lagrange, dans son Anthologie arabe, p. 123, 125.
  2. Pages 110 à 121.