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autres, dont un est celui de Jérusalem. Nous fûmes placés dans un khân, à l’entrée de la ville, et l’on nous y laissa renfermés plusieurs jours, avec beaucoup d’outrages. » Enfin, le roi se fit amener l’auteur et quelques-uns de ses compagnons. Avant de parler à ce personnage, par l’intermédiaire du drogman, il faut baiser la terre en signe de respect. Souvent il envoie les pèlerins au kâdhi. Les nôtres allèrent trouver ce magistrat, qui leur donna des fruits et des légumes. Le 19 novembre ils quittèrent Gazza, pour se diriger vers la terre promise, prenant par la vallée d’Abor (Hébron), où est aujourd’hui la ville de Saint-Abraham (Hébron), et laissant à gauche la ville de Rama (Ramlah). La première de ces villes est belle, ainsi que la contrée ; on y fait beaucoup de commerce et l’on y fabrique de beaux ouvrages de verre. Cette place est également vénérée par les musulmans, les juifs et les chrétiens. Il y a dans ladite ville une mosquée, qui était auparavant une église, et dans un mur où était le grand autel, il y a un monument dont un côté se voit à l’extérieur et la partie saillante se trouve dans la mosquée. Les chrétiens n’y peuvent pas entrer : celui qui y pénétrerait serait obligé de renier sa foi, sous peine d’être coupé en deux par la ceinture. Dans ce monument reposent le corps d’Adam (sic) et ceux d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ; à côté de ce monument il y en a un autre où furent enterrées leurs quatre femmes[1]. De la sépulture desdits patriarches on tire une certaine huile, qui est en grande considération chez les musulmans, les juifs et les chrétiens. Les voyageurs s’en procurèrent[2].

  1. Il peut n’être pas sans intérêt de voir ce qu’a dit de la sépulture d’Abraham, de son fils et de son petit-fils, un voyageur allemand, contemporain d’Ibn Batoutah et antérieur de près d’un demi-siècle à Frescobaldi. Voici ce qu’où lit dans l’écrit intitulé : Sur les choses remarquables de la terre sainte et des pays environnants, depuis 1336 jusqu’à 1350…, par le sieur Rudolphe, ecclésiastique à Suchen, en Westphalie, qui a demeuré quatorze ans dans ces contrées : « Tout près de la ville (d’Hébron) et sur la montagne, il existe une belle église où sont deux cavernes pour les sépulcres des trois patriarches, Abraham, Isaac et Jacob, et de leurs femmes. Les musulmans ont cette église en grande vénération, et ne permettent a aucun chrétien d’y entrer ; mais les juifs y sont admis en payant. Actuellement on peut très-bien voir du dehors l’intérieur de l’église ; elle est fort bien blanchie, ornée de jolies pierres, et, pour parvenir aux caveaux où sont les patriarches, on est tenu de descendre quelques degrés, comme quand on va dans une cave. » (Reyssbuch dess heyligen Lands… Gedruckt zu Franckfort am Mayn im lar m.d.lxxxiiii, fol. 448 1°. Cf. ci-dessous, p. 115-117.)
  2. Pages 122 à 138.