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D’IBN BATOUTAH.

[texte arabe]


ANECDOTE ÉTONNANTE.

Lors de mon séjour à Sîn-calân j’entendis dire qu’il y avait dans cette ville un cheïkh très-âgé, ayant dépassé deux cents ans ; qu’il ne mangeait pas, ni ne buvait, qu’il ne s’adonnait pas au libertinage, ni n’avait aucun rapport avec les femmes, quoique ses forces fussent intactes ; qu’il habitait dans une caverne, à l’extérieur de la ville, où il se livrait à la dévotion. Je me rendis à cette grotte, et je le vis à la porte ; il était maigre, très-rouge, ou cuivré, portait sur lui les traces des exercices de piété, et n’avait point de barbe. Après que je l’eus salué, il me prit la main, la flaira et dit à l’interprète : « Celui-ci est d’une extrémité du monde, comme nous sommes de l’autre bout. » Alors il me dit : « Tu as été témoin d’un miracle ; te souviens-tu du jour de ton arrivée dans l’île où il y avait un temple, et de l’homme assis entre les idoles, lequel t’a donné dix pièces d’or ? » Je répondis : « Oui, bien. » Il reprit : « Cet homme, c’est moi. » Je baisai sa main, le cheïkh réfléchit un certain temps, puis il entra dans la caverne et ne revint plus vers nous. On au-