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HISTOIRE DES BERBÈRES.

En l’an 780 (1378) le sultan entreprit une expédition contre le Djerîd, afin de faire rentrer les chefs de cette province dans l’obéissance. La famille de Hamza, encouragée par les promesses séduisantes qu’elle venait de recevoir de ces émirs, et soutenue par une foule de brigands arabes et bédouins, osa s’opposer à la marche du prince. Malgré tous leurs efforts, il parvint à délivrer le Djerîd des gens qui l’opprimaient, à en expulser les Arabes, faire prisonniers plusieurs des chefs insoumis et en chasser les autres du pays. S’étant alors emparé de leurs places fortes et de leurs trésors, il contraignit la famille Hamza à s’enfuir dans le Maghreb avec ses alliés de la tribu de Hakîm. Cette victoire assura à l’empire une grande supériorité sur les Arabes et lui permit d’étendre son ombre tutélaire sur tous ses sujets ; les populations purent alors jouir de quelque repos et se livrer aux travaux de l’agriculture ; les routes, si long-temps infestées de brigands, n’offrirent plus aucun danger aux voyageurs, et les portes de la miséricorde divine s’ouvrirent enfin pour répandre des flots de bonheur sur le peuple.

La supériorité que les Arabes avaient acquise sur le sultan et sur l’empire n’a point d’autre exemple ; [mais il faut se rappeler qu’] ils étaient une race d’une fierté extraordinaire ; n’ayant jamais connu l’humiliation d’obéir à un sultan ni subi la nécessité de payer la dîme (sadacat).

Sous la dynastie Oméïade, ils puisaient leur force dans l’esprit de race qui reliait tous les Arabes en un seul corps ; fait constaté par l’histoire de leurs révoltes et des ménagements que les [anciens] khalifes durent employer envers eux et leurs pareils. Dans ces temps primitifs, la sadacat était un impôt fondé sur le droit divin et dont l’acquittement devait se faire sans difficulté ni répugnance ; et certes, dans le paiement d’une taxe de cette nature il n’y avait rien d’humiliant pour un peuple.

Lorsque la dynastie abbacide eut déployé ses forces, et qu’elle laissa paraître son aversion pour les peuplades organisées en tribus, [les Arabes cherchèrent encore à se soustraire aux impôts] en se jetant dans leurs déserts du Nedjd, du Tehama et des régions situées au-delà de ces provinces. Il en fut autrement