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HISTOIRE DES BERBÈRES

Tèhert et s’adonnait à la vie nomade. Elle fréquentait la vallée de Mînas, depuis la montagne de Yaoud, du côté de l’orient, jusqu’à Ouarslef, du côté de l’occident. On dit qu’un gouverneur de Cairouan qui les avait emmenés en expédition avec lui, leur assigna cette région pour demeure. Leur chef, Aurâ-Ibn-Ali-Ibn-Hicham, avait été employé comme général au service d’Obeid-Allah, le fatemide ; mais, à l’époque où Hamîd-Ibn-Yesel, seigneur de Tèhert, se révolta contre El-Mansour, troisième khalife fatemide, ils fournirent des secours au chef insurgé et le suivirent dans ses égarements. En l’an 336 (947-8) El-Mansour vainquit son adversaire et le contraignit à passer en Espagne ; puis, ayant tourné ses armes contre ces Louata, il les refoula dans le Désert et revint camper sur le Mînas d’où il rentra à Cairouan.

Ibn-er-Rakîk rapporte qu’El-Mansour rencontra, dans cette expédition, des monuments anciens, auprès des châteaux qui s’élèvent sur les Trois-Montagnes[1]. Ces monuments étaient en pierre de taille, et vus de loin, ils présentaient l’aspect de tombeaux en dos d’âne. Sur une pierre de ces ruines il découvrit une inscription dont on lui fournit l’interprétation suivante :

Je suis Soleiman le Serdéghos[2]. Les habitants de cette ville s’étant révoltés, le roi m’envoya contre eux ; et Dieu m’ayant permis de les vaincre, j’ai fait élever ce monument pour éterniser mon souvenir[3].

Les Louata avaient pour voisins, à Mindas, une tribu zenatienne appelée les Beni-Oudjedîdjen. La vallée de Mînas et Tèhert séparaient les deux peuples. Une guerre éclata entre eux à

  1. Voyez tome ii, Appendice no 2, § xiii.
  2. Serdéghos (général) est une altération du mot grec stratégos. Il se rencontre plus d’une fois dans les historiens de l’Afrique, et notre auteur s’en est servi ailleurs pour désigner le général grec qui commandait dans la Calabre, lors de l’invasion musulmane de 340 (951-2). L’emploi de ce mot se conserva en Sicile pendant le gouvernement des Normands ; ces princes avaient leur stratigo qui remplissait les fonctions de gouverneur militaire et de président de la cour criminelle.
  3. Cette inscription, si elle a réellement existé, prouverait que Salomon, le général de Justinien, porta ses armes jusqu’à Tacdemt.