Aller au contenu

Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
242
HISTOIRE DES BERBÈRES

en Ifrîkïa avec les avant-coureurs de l’armée arabe[1], il s’y établit, et tout en montrant le plus grand dévouement au parti des Arabes yéménites dont il était l’allié juré, il adopta les principes enseignés par les Kharedjites. Les Eibadites de la province de Tripoli ayant pris les armes pour châtier les Ourfeddjouma et leur enlever la ville de Cairouan, se rassemblèrent tous autour de leur chef spirituel, Abou-’l-Khattab-Abd-el-Ala-Ibn-es-Samehel-Mâaferi. En l’an 141 (758-9), ils s’emparèrent de Tripoli et ensuite de Cairouan où ils firent un massacre épouvantable des Ourfeddjouma commandés par Abd-el-Mélek-Ibn-Abi-’l-Djâd, et des autres tribus nefzaouiennes. Ibn-Abi-’l-Djâd lui-même perdit la vie dans ce jour de vengeance. Abou-’l-Khattab confia alors le gouvernement de Cairouan à Abd-er-Rahman-Ibn-Rostem, et emmena avec lui les Eibadites zenatiens, hoouariens et autres qui avaient pris part à cette expédition. À la nouvelle de la révolte des Berbères, des atrocités commises par les Ourfeddjouma et de la prise de Cairouan, siége du gouvernement de l’Ifrîkïa et du Maghreb, le khalife Abou-Djâfer-el-Mansour fit partir une armée pour ce pays sous les ordres de Mohammed-Ibn-el-Achâth-el-Khozaï, auquel il donna aussi la commission de faire la guerre aux Kharedjites. Arrivé aux environs de Tripoli, en 144 (761-2), Ibn-el-Achath défit l’armée berbère qui était venue à sa rencontre et en tua le général, Abou-’l-Khattab. Abd-er-Rahman-Ibn-Rostem se hâta alors d’évacuer Cairouan et d’emmener ses fils et les gens de sa maison chez les Berbères eibadites du Maghreb central. Arrivé au milieu de ses anciens amis et confédérés, les

  1. Abd-er-Rahman le rostemide, chef des Eibadites et fondateur de Tèhert, mourut en l’an 468 de l’hégire. Il est donc impossible d’admettre qu’il fut fils du général persan Rostem, mort à Cadicïa, cent cinquante-trois ans auparavant. Ibn-Khaldoun et l’auteur du Baïan ne se sont pas laissés arrêter par cette difficulté, et, cependant, ils ont dû voir, dans le Meçalek d’Abou-Obeid-el-Bekri, ouvrage dont ils se sont servis, qu’Abd-er-Rahman, le rostemide de la première invasion de l’Ifrîkia, était fils d’Abd-el-Ouehhab et petit-fils de Rostem. Il est même probable que le second Abd-er-Rahman était petit-fils, ou peut-être arrière-petit-fils du premier, ce qui mettrait quatre ou cinq générations entre lui et son grand-aïeul.