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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/501

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EN-NOWEIRI.

Rostem avait sous ses ordres. Se trouvant ainsi maître d’une force immense, il mit Ibn-el-Achâth dans l’impossibilité de rien entreprendre. Bientôt, cependant, la désunion se mit parmi les troupes berbères de Zenata et de Hoouara ; quelques membres de cette dernière tribu ayant tué un homme d’entre les Zenata, un nombre considérable de ceux-ci abandonnèrent Abou-’l-Khattab qu’ils soupçonnaient de partialité à l’égard des Hoouara. Ibn-el-Achâth apprit cet événement avec une satisfaction extrême et fit garder les alentours du camp afin d’empêcher Abou-’l-Khattab de prendre connaissance de ses opérations. Celui-ci revint alors à Tripoli, et, de là, il se dirigea vers Ourdaça afin de combattre Ibn-el-Achâth qui venait d’occuper la ville de Sort. Quand les deux armées furent en présence, Ibn-el-Achâth dit à ses officiers d’un air très-joyeux, qu’il venait de recevoir d’El-Mansour l’ordre de rentrer en Égypte. Cette nouvelle ne tarda pas à se répandre dans l’armée qui, effectivement, rétrograda d’un mille. Abou-’l-Khattab en fut bientôt informé, et un grand nombre de ses soldats s’en allèrent [pensant que leur présence ne serait plus nécessaire]. Le lendemain, Ibn-el-Achâth rétrograda encore de quelques milles, feignant d’être retardé dans sa marche par ses bagages. Il en fit autant le troisième jour ; mais, alors, il choisit parmi ses troupes les hommes les plus robustes, et ayant marché toute la nuit avec eux, il tomba au lever de l’aurore sur Abou-’l-Khattab dont l’armée était déjà désorganisée. Au commencement de l’action une partie des cavaliers d’Ibn-el-Achâth mit pied à terre pour mieux combattre. Les Berbères furent mis en déroute, et Abou-’l-Khattab périt avec presque tous les siens. Cette rencontre eut lieu dans le mois de Rebiâ premier de l’an 144 (juin-juillet 761). Quarante mille Berbères restèrent sur le champ de bataille.

Abd-er-Rahman-Ibn-Rostem se réfugia alors à Tèhert où il jeta les fondements d’une [nouvelle] ville[1]. Quand les habitants de Cairouan eurent appris la chute d’Abou-’l-Khattab, ils jetè-

  1. On a déjà vu, pag. 332, que Tèhert existait du temps d’Ocba. L’auteur du Baïan dit : « En l’an 161, Abd-er-Rahman-Ibn-Rostem rebâtit et repeupla Tèhert, ville très-ancienne, qui était restée abandonnée. »