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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/508

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APPENDICE.

position devenir très-critique et le moral de ses troupes fléchir par suite de l’épuisement total des vivres. Depuis quelques temps, elles ne se nourrissaient que de leurs bêtes de somme et des chats. Dans cette extrêmité, il leur adressa ces paroles : « Vous éprouviez de grandes souffrances à l’époque où Dieu vous délivra, par mon entremise, d’une partie de vos malheurs. Vous voyez maintenant la position où vous êtes ; choisissez donc pour vous commander, soit Djemîl, soit El-Mokharec, et alors je ferai une incursion, avec un corps des milices, dans le pays d’où nos ennemis sont sortis, afin d’enlever leurs familles et de vous apporter des vivres. »

Cette proposition fut accueillie d’une voix unanime. Cairouan se trouvait alors entouré par trois cents cinquante mille eibadites dont trente-cinq mille cavaliers ; les uns et les autres sous le commandement d’Abou-Hatem. Quand Omar voulut sortir de la ville, une grande agitation se manifesta parmi les siens : « Tu veux sortir, lui disaient-ils, et nous laisser ici au milieu des fatigues d’un siége ; ne sors pas ! reste avec nous ! » — « Oui, répondit-il, je resterai, mais je ferai partir Djemîl et El-Mokharec à la tête des hommes que vous aurez désignés. » Ils donnèrent leur consentement à cette proposition, mais au moment où ce détachement allait quitter la ville, ceux qui le composaient lui dirent : « Tu veux rester tranquille et nous faire sortir pour nous exposer au danger. Non, par Dieu ! nous ne bougerons pas. » — « Soit ! leur dit-il, outré de colère ; mais, par Dieu ! je vous enverrai à l’abreuvoir de la mort. » Le siége durait encore quand il reçut une lettre de sa femme Kholeida, fille d’El-Moârek, qui l’informait que le Commandant des croyants, mécontent de sa lenteur, allait envoyer en Ifrîkïa une armée de soixante mille hommes, sous les ordres de Yezîd-Ibn-Hatem, et qu’en pareille conjoncture, il ne lui restait plus qu’à mourir. « Il demanda à me voir, dit Khirach-Ibn-Eidjlan, et en arrivant, je le trouvai le front inondé de sueur, ce qui manifestait, chez lui, une extrême colère. Pendant que je lisais la lettre de sa femme, je versais des larmes. « Qu’avez-vous donc ? » me dit-il. — « Et vous même ? quel mal y a-t-il à ce qu’un membre de votre famille vienne vous remplacer