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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/511

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EN-NOWEIRI.

d’entre eux restèrent sur le champ du combat, et selon quelques auteurs, la milice n’en perdit que trois [hommes]. Cette bataille fut livrée le lundi, 27 du mois de Rebiâ premier de l’an 155 (mars 772). Yezîd se tint environ un mois dans ce lieu, pendant que sa cavalerie courait à la poursuite des kharedjites et les tuait partout où elle les rencontrait. Il partit ensuite pour Cabes où il arriva le 20 du mois, premier Djomada (avril). L’ordre se rétablit alors partout[1].

En l’an 157 (774), il fit rebâtir la grande mosquée de Cairouan et construire dans cette ville des bazars pour chaque métier. Ainsi, on pourrait dire, sans trop s’écarter de la vérité, qu’il en fut le fondateur. L’Ifrîkïa continua à jouir de l’ordre et de la tranquillité jusqu’à la mort de ce chef, événement qui eut lieu sous le khalifat d’Er-Rechîd. Yezîd-Ibn-Hatem était généreux, brave, clairvoyant, d’une libéralité extrême, et connu dans tous les pays par sa haute renommée. C’est lui qui disait :

La monnaie qui porte une empreinte ne s’habitue pas à ma bourse ; elle n’y séjourne qu’un instant et reprend bien vite sa liberté.

Elle ne fait qu’y passer, et la bourse elle-même la repousse. Je suis un homme dont le coffre-fort et l’argent ne peuvent pas s’accorder[2].

Pendant qu’il était en Ifrîkïa, il fit paraître, en plusieurs occasions, la noblesse de son caractère et l’élévation de son âme. Un de ses intendants vint, un jour, lui dire qu’on avait offert une somme considérable pour des fèves qu’il avait fait semer dans la plaine de Cairouan[3]. Yezîd, sans rien répondre, ordonna à son majordome d’emmener ses cuisiniers et valets dans ces champs et d’y dresser un grand nombre de tentes ; puis il y alla lui-même avec ses amis, pour y passer la journée et y prendre un repas. Etant sur le point de s’en retourner, il appela l’intendant et lui fit

  1. En l’an 156 eurent lieu la révolte et la défaite de Yahya-Ibn-Founas. Voyez ci-devant, page 276.
  2. Je suis ici la leçon du Baïan, page 72.
  3. L’auteur du Baïan dit : dans un de ses jardins de plaisance. Cette version est plus raisonnable que celle d’En-Noweiri.
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