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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/512

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APPENDICE.

infliger une sévère punition : « Fils d’une prostituée ! lui dit-il, tu veux donc que je sois déshonoré à Basra[1] et qu’on dise que Yezîd, fils de Hatem, est devenu un marchand de légumes ! Convient-il à un homme comme moi de vendre des fèves ? scélérat que tu es ! » Il donna ensuite l’ordre de laisser le champ ouvert à tout le monde ; il s’y rendit lui-même pour manger, boire et faire bonne chère, de sorte que bientôt toute la récolte fut dévastée. Voici une autre anecdote qu’on raconte de lui : Étant allé un jour faire une promenade du côté de Monïa-t-el-Kheil[2], il rencontra sur son chemin un nombreux troupeau de moutons, et demanda à qui il appartenait. On lui répondit qu’il était la propriété de son fils Ishac. Il le fit aussitôt venir et lui dit : « Ces moutons sont-ils à toi ? » — « Oui, » répondit-il. — « Qu’en fais-tu ? » — « Je mange les agneaux, je bois le lait, je tire profit de la laine. » — « Si tu fais cela, reprit son père, rien ne te distingue des marchands de moutons et des bergers ; qu’on livre ce troupeau au public ; qu’il soit enlevé, égorgé et mangé. » Cet ordre fut exécuté, et on jeta les peaux sur une colline qui porte encore aujourd’hui le nom de Colline des peaux (Kodya-t-el-Djoloud). Il serait, du reste, trop long de rapporter ici tous les beaux traits de sa vie.

§ XXX. — GOUVERNEMENT DE DAWOUD, FILS DE YEZÎD, FILS DE HATEM.

Dans sa dernière maladie, dit l’historien, Yezîd avait nommé pour successeur son fils Dawoud ; aussi ce prince prit le commandement à la mort de son père. Bientôt après, une révolte

  1. La famille de Yezîd habitait Basra (ou Bassora) depuis le khalifat d’Abou-Bekr. Abou-Sofra fut le premier qui s’y établit, et son fils, El-Mohelleb, déploya tant de bravoure en combattant les brigands du voisinage, que cette ville reçut le titre de Basra d’El-Mohelleb. — (Ibn-Coteiba, cité par Reiske ; Abulfedœ annales, tom. I, pag. 105, adnot. hist.)
  2. Cet endroit, dont le nom signifie lieu souhaité des chevaux, était dans le voisinage de Cairouan.