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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/519

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EN-NOWEIRI.

une entrevue avec Mohammed-Ibn-Yezîd-el-Farci partisan d’Ibn-el-Djaroud, et lui promit un poste éminent, le commandement de mille cavaliers, un riche présent et un apanage[1] dans tel lieu qu’il voudrait, à la condition d’entraver les entreprises de son chef. Mohammed accepta cette proposition, et se mit, sur le champ, à indisposer les esprits contre Ibn-el-Djaroud et à engager les troupes à se mettre sous l’autorité du khalife. Une partie d’entre elles céda, en effet, à ses exhortations, et abandonna son chef. Celui-ci marcha contre elles pour les combattre, et lorsque les deux armées se trouvèrent en présence, il dit à son adversaire : « Venez me parler, et soyons seuls, afin que personne ne nous entende. » Mohammed-Ibn-Yezîd s’avança et pendant qu’Ibn-el-Djaroud s’entretenait avec lui pour détourner son attention, un nommé Abou-Taleb, qui avait été aposté par Ibn-el-Djaroud, se jeta sur lui et lui porta, par derrière, un coup mortel dans les reins, au moment où il s’y attendait le moins. Saisis de terreur, ses partisans prirent la fuite.

Yahya-Ibn-Mouça, étant arrivé à Tripoli sur ces entrefaites, présida à la prière de la Fête des victimes, et prononça le prône. Il vit alors un grand nombre de chefs se ranger sous son autorité et sa puissance s’affermir rapidement. El-Alâ se porta sur Cairouan, et Ibn-el-Djaroud, ne pouvant lui résister, écrivit à Yahya de venir prendre possession de la ville. Il lui annonça en même temps, qu’il était disposé à faire sa soumission. Yahya partit de Tripoli avec ses troupes, en Moharrem, 179 (mars-avril 795), pour se rendre à Cairouan dont presque tous les miliciens s’étaient ralliés sous ses drapeaux lorsqu’il fut arrivé à Cabes. Ibn-el-Djaroud, après avoir gouverné Cairouan pendant sept mois, en sortit au commencement du mois de Safer, y laissant pour commandant Abd-el-Mélek-Ibn-Abbas. En même temps, El-Alâ-Ibn-Saîd et Yahya-Ibn-Mouça marchèrent sur cette ville, chacun d’eux voulant y devancer l’autre. El-Alâ y étant entré le premier, massacra un grand nombre des partisans d’Ibn-el-Djaroud, mais

  1. Le mot arabe employé ici est catiya, l’équivalent d’ictâ. — (Voyez ci-devant, page 117, note.)