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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/528

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APPENDICE.

changèrent à l’égard de son chef et il commença à comploter contre lui. Ibrahîm s’établit enfin dans son château, et, quelque temps après, Emran se révolta à la tête des troupes qu’il avait sous ses ordres, s’empara de Cairouan et obtint bientôt l’appui d’une foule de partisans. La guerre continua entre eux pendant une année entière ; la cavalerie d’Ibrahîm faisait des incursions jusque sous les murs de Cairouan et massacrait tout ce qu’elle rencontrait, pendant que celle d’Emran faisait de même dans le pays occupé par Ibrahîm. Ces démêlés duraient encore, quand Ibrahîm apprit que le Commandant des croyants venait d’expédier en Ifrîkïa un messager porteur de la solde des troupes. Il envoya aussitôt son fils Abd-Allah à Tripoli pour s’emparer de ces fonds et les lui apporter. Lorsque cet argent fut entre ses mains, les troupes d’Emran, qui soupiraient après leur solde, conçurent la pensée de livrer leur chef. Informé de leurs sentiments, Ibrahîm mit son armée en campagne et marcha sur Cairouan à la tête de la cavalerie, l’infanterie et le corps d’esclaves nègres. Arrivé près de la ville, il fit proclamer par un héraut que tous ceux dont le nom était inscrit sur le registre du Commandant des croyants devaient se présenter pour toucher leur solde, puis il rentra à son château sans avoir fait aucune démonstration hostile. Vers le soir, Emran acquit la certitude que ses troupes voulaient le trahir, et la même nuit, il partit à cheval pour se rendre dans le Zab, accompagné d’Amer-Ibn-Moaouïa et d’Amer-Ibn-el-Motamer. Ibrahîm s’empressa alors d’enlever les portes de Cairouan et de pratiquer des brêches dans les murailles. Voyant son autorité raffermie par ces événements, il agrandit le Casr-el-Cadîm et accorda aux membres de sa famille et à ses clients des logements dans l’enceinte de cette forteresse. Quant à Emran, il resta dans le Zab jusqu’à la mort d’Ibrahîm, et, lors de l’avènement d’Abou-’l-Abbas, fils de celui-ci, il lui écrivit pour demander grâce. Ce prince se rendit à sa prière et lui assigna pour demeure le Casr-el-Cadîm, mais plus tard, ayant appris qu’il ourdissait des trames contre lui, il le fit mettre à mort[1].

  1. En l’an 196, la garnison de Tripoli se révolta contre le gouverneur, Abd-Allah fils d’Ibrahîm-Ibn-el-Aghleb, et le força de s’éloigner. Abd-